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Les 9 dysfonctions liées à l’infobésité

Vous reprendrez bien encore un peu d’info !

Comment vivons-nous psychologiquement la surabondance, la complexité et la vitesse de l’information ?

Quels sont les effets du déluge informationnel ?

Quels sont les parades pour tirer profit de nouveaux gisements informationnels de croissance, en visant une performance saine ?


Les usines sont devenues des bureaux. Les produits sont devenus des services. Les données sont presque toutes numériques, sources de savoirs et de nouvelles intelligences. Véritables distilleries de données, les travailleurs du savoir raffinent le nouvel or noir : l’information.

Les flux de 0 et de 1 sont devenus un raz de marée. Le nombre de “data” doublerait tous les dix-huit mois. Pourtant, l’Homme n’a pas beaucoup fait progresser ses capacités cognitives. Du moins, pas aussi vite que la loi de Moore le prédit pour les processeurs et les capacités de stockage. Le goulot d’étranglement, c’est nous ! Notre substrat biologique nous réduit à nos capacités cognitives, à nos filtres perceptifs, à nos méandres attentionnels et mémoriels. Quant à notre condition sociale d’acteur irrationnel, il serait prochainement supplanté par les algorithmes et les robots. Tant de richesses, plusieurs limites.


L’infobésité est une évidence. Que l’on soit consommateur, étudiant, citoyen, travailleur ou une organisation, l’infobésité nous touche tous. Nous la vivons tous les jours. Certains souffriraient même d’un syndrome de fatigue informationnelle. Serait ce le prochain mal du siècle ? La déconnexion serait une solution. Pure folie diront les “Data Enthousiastes” à l’ère des réseaux à ultra haut débit et de la société informationnelle. Question de survie diront les autres quand l’inflation du cyberespace dessine l’avenir d’un Homme augmenté, entouré d’objets et de robots connectés.


Nouvelles réalités informationnelles

Pour bien comprendre les effets de la fatigue informationnelle, il faut décrire le paysage technologique et médiatique public, professionnel et personnel, que nous construisons en continu autour de nous et qui ne cesse de s’enrichir. L’infobésité désigne un grand coupable : les emails. Mais l’avalanche d’informations trouve aussi sa source dans la multiplicité des médias, des supports, des outils et des usages qui traversent les sphères de nos vies personnelles, sociales et professionnelles et dans la complexité des tâches intellectuelles : Les savoirs ne sont plus des silos. Les savoirs sont des flux continus, partagés, co-construits.

Les données digitales, les mesures, les indicateurs, l’analytique, la mesure de soi (Quantified self) et les données de masse (Big Data) offrent de nouveaux gisements de connaissances.

La transversalité des savoirs, l’horizontalité des organisations et la transparence démultiplient la production de données et les ouvrent au public (Open Data). Maintenant, l’ouverture est par défaut et le secret par nécessité comme le souligne Jean-François Gauthier de l’Institut de la gouvernance numérique.




  1. Les communications mobiles et personnelles (courriels, blogging, microblogging, messages textes, vidéo conférences, chat, etc…) ont envahi nos vies en tous lieux. Il est possible de consulter, partager, commenter et éditer photos, messages, articles, vidéo et voix de partout.

  2. Les multiples usages de l’information ont eux aussi élevé la montagne à gravir (socialisation, veille, analyses, prospectives, aides à la décision, etc.). Les attentes sociales et économiques sont aussi un puissant levier de consommation. Il faut jongler avec les sources, les flux, les supports et les traitements avec instantanéité et agilité.

  3. Les sources sont chaque fois plus nombreuses et plus segmentées. A la quantité de données primaires et à leur qualité s’ajoute le bruit des informations commerciales. Les informations sont reprises en boucles, les nouvelles sont citées, découpées, retweetées, viralisées, déformées, puis viennent les rumeurs. Quantité ne veut pas dire qualité.

  4. L’information est plus rapide, très hachée, non permanente. La lecture est fugace et superficielle, faute de temps.

  5. L’Hyperchoix (1) décrit le passage pour un consommateur du peu au trop. Son Supermarché est devenu Hypermarché et il ne sait plus trop quoi choisir. Pour Amazon, Ebay ou Google, le cadre de référence numérique et informationnel est maintenant sans limite.



Inventaire des effets de l’infobésité


#1 Le désengagement

La première victime de la surabondance d’informations, c’est la personne désengagée. La seconde est la personne manquant de curiosité et d’ouverture. L’institut de sondage Gallup indiquait en octobre 2013 dans son sondage mondial annuel que seulement 13% des employés dans le monde se disent engagés. En Amérique du Nord, 29% se disent engagés alors qu’en Europe de l’Ouest, c’est 14% qui se disent engagés. Parmi les raisons, on parle des dysfonctionnements des organisations, la saturation d’informations, le stress, la perte d’équilibre travail/famille, la perte de sens et le mauvais management de proximité. Ce désengagement aurait un prix : 500 à 650 milliards de dollars par an aux USA.


Les travaux d’exécution intellectuelle simple disparaissent. Et puis il y a les emplois informationnels. Ils requièrent des personnes formées et ils sollicitent des habiletés décisionnelles, conceptuelles ou heuristiques de plus en plus complexes, hyper-spécialisées et intégrées. Sans engagement affectif, un métier intellectuel qui doit s’exercer dans un environnement peu épanouissant ou stimulant devient paradoxal. Le contexte de l’emploi en conflit avec les tâches devient la cause du syndrome d’épuisement professionnel (Burn-Out). Les individus instruits s’engagent librement, font preuve de jugement et sont dotés de jugement critique.


Comment produire de l’information et exercer sa réflexion quand on n’est plus engagé ou quand le sens et les valeurs ne sont pas en adéquation ? Difficile de cacher son manque d’intérêt pour produire du sens, de l’art, des recommandations ou des interactions de qualité.



Les changements fréquents et la complexité des organisations induisent une lassitude, une perte de sens et un besoin de simplicité pour s’y retrouver, pour s’identifier et pour s’engager. La personne qui manque d’ouverture et de curiosité ne peut suivre le rythme des changements, des nouveautés et des tendances qui agitent certains emplois à haute teneur informative, conceptuelle et créative. Le risque d’obsolescence personnelle du corpus de connaissances et de dépassement par ses pairs conduit au désengagement.


#2 Déficit d’attention

Les distractions et les interruptions brisent les processus cognitifs : mémorisation, analyse, jugement, créativité. En contexte multi-tâches, les interruptions causées par les systèmes “Notifications Push” ou par les réflexes de vérification de messagerie coupent l’effort attentionnel et divise les ressources cognitives. On observe alors des retards, des oublis, une attention diffuse, une moindre qualité d’analyse et une désorganisation.


Les sollicitations augmentent avec le volume d’information à traiter et la complexité des tâches. Plus c’est lourd, plus on peut être interrompu quand cela devrait être le contraire. On assiste à un phénomène de Data Surfing. Une information en pousse une autre. On décroche.


#3 L’addiction

A l’inverse, certaine personnalité présente une hypervigilance et des comportements boulimiques. Bien identifiés chez les compulsifs des jeux vidéo, les “addicts” à la connectivité et aux messageries en veulent toujours plus, tout le temps. Mais il n’est pas encore clair qu’une pathologie soit reconnue. L’Internet Addiction Disorder (IAD) a pourtant déjà ses centres de thérapie en Asie et serait à l’étude pour entrer au registre des pathologies psychiatriques du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DMS).


Une étude de l’université de Californie (2) montre que l’expression de soi sur les réseaux sociaux active des parties du cerveau qui sont spécifiques à la gratification personnelle et la satisfaction. Si l’addiction à l’Internet sur certains sites n’est pas clairement établie par les chercheurs (3) car les définitions de l’addiction couvrent beaucoup d’aspects, certains types de personnalités anxieuses et introverties peuvent s’y réfugier.



En entreprise, on trouvera davantage des profils obsessifs-compulsifs ou des personnes hyperactives et performantes qui restent

connectées et en hypervigilance.


#4 L’anxiété

Avec l’usage de terminaux mobiles est née la peur de manquer quelque chose (FOMO : Fear Of Missing Out). L’employé vérifie ses emails. L’usager consulte ses messages textes. S’il n’a pas de connexion, il est en manque.


Et puis il y a l’angoisse de l’abondance. Comme le souligne les chercheurs en hyperchoix (4), le stress de la bibliothèque est associé à la découverte d’une profusion de référence et de lecture.


#5 Pertes de mémoire

Les mémoires à court terme et à long terme sont affectées par le travail multi-tâches. Lire plusieurs emails, répondre au téléphone et regarder son téléphone et la messagerie sur l’ordinateur affectent aussi la mémoire procédurale (quoi faire, quand et comment). Nous ne pouvons pas mémoriser une série de plus de 7 mots (ou chiffres selon les personnes) sans dédier une concentration totale à la tâche de mémorisation. On appelle cela l’empan mnémonique qui représente une constante chez les individus.


#6 Prise de décisions

Connaissez-vous le phénomène du TMI ? Too Much Information. L’information nuit à la décision. Devant l’abondance des données et des choix, l’indécision, la simplification excessive ou l’évitement du risques sont les maux les plus fréquents, surtout si l’information à traiter est complexe et le contexte changeant.


L’homme se sent plus libre devant un large choix. Mais sans comparaison précise, la grande variété de choix devient problématique. Il prend des références et se rabat sur les options les plus familières. Il y a un coût psychologique, une charge cognitive à avoir trop d’alternatives. Et quand les données et les options arrivent en flux plus qu’en mode définitif, le regret peut tuer le courage de décider. L’incertitude de nos environnements fluctuants complique la tâche. Le principe de saturation décrit le fait que plus d’informations n’apportent rien de plus à la décision. La personne “infobèse” peut entrer dans les détails et étirer son analyse avant de se décider. Elle sera aussi moins portée à prendre des risques ou à faire des essais.


#7 Qualité du jugement

Beaucoup d’études en psychologie et en science de gestion ont montré combien notre jugement peut être faussé spécifiquement dans un contexte saturé en données, en ambiguïté et en changement.



Nos perceptions visuelles et sonores sont presque toujours biaisées. Nous faisons de fausses attributions. Nos intérêts, nos habitudes, notre culture guident notre attention perceptive. Il en résulte plusieurs réactions. Le déni, l’évitement, la peur, la confiance, les décisions prises pour acquises trompent aussi nos sens. Les traders ou les médecins, par exemple, doivent toujours valider leur perception et revisiter certains biais de perception et de jugement avant de se prononcer.

  1. ne pas négliger de nouvelles données importantes entrant dans une analyse,

  2. ne pas négliger des données contradictoires remettant en question l’ordre établi,

  3. ne pas négliger de questionner l’autorité de la source,

  4. ne pas vouloir accepter les remarques et la critique.


#8 Créativité

Les processus créatifs sont délicats. S’inspirer des autres et comparer les informations nourrissent l’idéation nécessaire à un stade préalable à la créativité. Mais se référer continuellement à des sources pour imaginer de nouvelles options pour son travail peut conduire à une homogénéification voire à du plagiat. Le processus de cristallisation et d’insight sont précédés d’un temps d’incubation. Repos, rêverie et ouverture à d’autres sens. Sur-sollicités, les créatifs ont besoin d’échapper à la tempête informationnelle pour laisser fuser de nouvelles idées.


#9 Troubles dysfonctionnels et relationnels

Documentée depuis 1998 par l’étude de référence Reuters (5), la surcharge informationnelle nuit au travail. On assiste à l’émergence de nouveaux risques psychosociaux amplifiée par la transformation numérique et le techno-stress.


Avec le multiscreen, les appareils mobiles (Apple Watch, Occulus Rift, Assistants cognitifs) ou encore la réalité augmentée, on parle de pathologies informationnelles. Certains chercheurs décrivent des troubles du comportement, des dysfonctions cognitives et des troubles de santé : perte de sommeil, anxiété, stress, pénibilité, dépression, épuisement professionnel, perte de sens et de motivation, désengagement.


Et comme personne ne réagit de la même façon, les troubles anxieux généralisés ou les attaques de paniques foudroient les plus sensibles. Les outils de communications numériques seraient aussi sources de distanciation entre les personnes. Le message est dissocié du contexte.




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Références


(1) Schwartz B. (2004), The Paradox of Choice, Why More is Less. HarperCollins Publisher.

(2) Diana I. Tamir and Jason P. Mitchell (2012). Disclosing information about the self is intrinsically rewarding Department of Psychology, Harvard University, Cambridge, MA 02138

(3) Collectif. Internet Addiction: Metasynthesis of 1996 –2006 Quantitative Research.

(4) Larceneux F. Berger R. (2006) Les tests statistiques sur l’hyperchoix et les stratégies du consommateur. Crédoc.


(5) Waddington P. (1998). Dying for information ? A report on the effects of information overload in the

UK And Worldwide. Reuters, United Kingdom


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