Voici un billet un peu différent des autres. Je vous partage cette réflexion suite aux attentas de Charlie Hebdo et de Paris et en réaction à la menace terroriste dans le monde.
Le web est formidable.
Pour beaucoup, le web est synonyme de rayonnement de la connaissance, de flots d’informations et d’éducation fluide. Il est un lieu de liberté personnelle et de relations étendues. Il relie et rallie.
Les réseaux sociaux ont soulevé des mouvements démocratiques, balayant des leaders autoritaires, des imposteurs et des falsificateurs. Et il est en train de chambouler tous les pans de nos économies et de nos vies, depuis nos poches.
Avec la vidéo mobile, le commerce électronique, les réseaux sociaux, les applications, le data et les objets connectés, cet immense système d’opérations nous assure sur le long terme une accélération et une augmentation des capacités sociales, culturelles et économiques.
Le projet du dernier tiers d’individus sur terre à se connecter au web est mené par Google et Facebook (www.internet.org). Ces projets visent à donner un accès au web à des enfants, à des professeurs, à des femmes et à des entrepreneurs qui souhaitent apprendre et travailler. Il leur faudra juste un petit ordinateur rechargeable pour s’ouvrir au monde.
L’humanité allait pouvoir faire un bon dans la modernité et connaître une période d’euphorie aussi grande qu’aux temps du siècle des lumières en France. Cette lumière rationnelle et sensible devait dissoudre les idées reçues, les illogismes, les rumeurs et les superstitions. Les bibliothèques numériques allaient déverser la connaissance, comme autant de robinet conduisant l’eau dans les foyers. La présence sur un seul écrans d’informations vérifiées aurait pu redresser des contre-vérités, des angoisses, des croyances erronées.
J’avais espoir que la circulation rapide des idées, des faits et de la science aller lessiver tous les archaïsmes, les fausses-croyances et les combats moyenâgeux.
Le web m’a terriblement déçu.
Mais voilà, le web est le lieu d’expression des beautés et des travers de l’humanité. Comme simple outil partagé, le web sert à tout. Au bien comme au mal. Au harcèlement, à la corruption comme à l’enrôlement religieux puis à l’endoctrinement et à la diffusion de la haine. YouTube, Facebook et d’autres réseaux comme Snapchat peuvent servir des intérêts malins.
Ces mêmes intégristes qui ne supportent ni la liberté de pensée, ni la liberté d’expression, manient avec doigté l’usage de la vidéo pour montrer des exécutions effroyables de captifs, de destruction de sites archéologiques majeurs pour l’humanité, de revendications et de messages haineux. De vrais geek et hackers au service d’une idéologie contraire à la philosophie du web. Ce qu’ils dénoncent comme un outrage au Kalifa est leur meilleur outil de propagande, de communication et peut-être de financement. Ils doivent utiliser les systèmes de cryptage et de navigation anonyme avec le logiciel Tor comme personne d’autres dans le monde.
Alors il faut croire que l’accès à la connaissance universelle n’a pas démontré tous ses bienfaits au niveau des sociétés et des individus.
Enfin…, l’Homme m’a terriblement déçu.
Car en fin de compte, ce n’est pas tant l’outil qu’il faut blâmer que ses utilisateurs, parfois très habiles. Le web est le terrain de toutes les expressions et de tous les possibles. Ce nouveaux territoire est comme un pays où tout le monde peut circuler et agir.
Mieux que d’autres, les terroristes et les fanatiques savent recruter, endoctriner, former et communiquer avec le média le plus libre et le plus ouvert du monde. C’était à prévoir.
Comment peut-on quand on a entre 15 ans et 25 ans se laisser convaincre par l’instinct de mort sur le web quand toute la diversité des idées du monde est disponible sur le même écran ?
Le plus évident est que notre attention est filtrée et limitée. Les intérêts sont dirigés. Les valeurs sont polarisées. C’est le propre de l’Homme. On trie et sélectionne l’information. On privilégie ce qui nous confirme. Et pour certaines personnes, un mécanisme de rejet, de coupure du réel et d’irrationalité se met en marche. L’Homme ne veut croire qu’en ce qui le valide et le renforce, volontairement ou non. Certains effets de croyance, de phénomènes de groupe, de pression sociale, d’identification et de dépersonnalisation débutent et se renforcent sur le web.
Ce qui me déçoit c’est que la NSA, Google, Facebook, Twitter, YouTube qui nous écoutent tant à tous les jours semblent impuissant à interrompre ces activités contraires à l’esprit même du web. La lutte semble futile pour ces conduits de réseaux. Pourtant, ils savent aussi se montrer très responsables quand certains contenus choquent leurs valeurs.
Ce qui me déçoit c’est que les hackers de ce monde et le collectif Anonymous, si prompts à dénoncer certains usages ne se sont pas encore assez ligués contre les usagers sombres du web.
Ce qui me déçoit c’est que notre anonymat si précieux, dévoyé par ceux qui l’utilisent à des buts guerriers, sera demain remis en question pour notre sécurité.
Ce qui me déçoit c’est aussi que la neutralité du web n’est jamais garantie. D’un bord, les grands opérateurs veulent donner des poids différents aux données que l’on paieraient plus cher. De l’autre bord, la police du net peine à surveiller les agissements sur le web, sur les consoles de jeux vidéo ou sur les messageries grand public cryptées.
Le web n’est donc pas cette grande machine de distribution égalitaire de la connaissance qui nous aurait permis de passer à une autre étape de notre civilisation. Le web ne peut rien tout seul, à court terme, devant l’obscurantisme. Car l’obscurantisme joue sur les leviers économiques, identitaires, irrationnels et pulsionnels. La réponse au problème doit être de même nature : économique, politique et éducationnelle.
C’est en comprenant les mécanismes de radicalisation d’une poignée de jeunes et en jouant sur le même terrain qu’eux que l’on pourra réduire la portée des terroristes, des ignorants, des intégristes et des vilains qui ne sont pas à une contradiction près. Le web demeure un outil neutre à la base. C’est ce que les forces démocratiques veulent en faire qui compte.
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