Un partenaire qui prend de la valeur.
L’attraction des meilleurs talents demande beaucoup d’énergie et fait appel à plusieurs nouveaux savoir-faire. Les recruteurs peuvent y dédier tous leurs efforts quotidiens. On leur reproche ainsi d’être trop opérationnels et pas assez stratégiques, comme le reste de la fonction RH d’ailleurs. L’étude 2013 de CEB montre bien que 66% des RH sont considérés comme stratégiques mais que seulement 43% des interrogés indiquent que les informations relatives aux talents servent à prendre des décisions qui ont de l’impact. Voyons 6 recommandations pour passer d’exécutant réactif à partenaire d’affaires stratégique.
La pénurie de talents menacerait, dit-on, la capacité et la performance des organisations. De même, la faiblesse de la capacité de recrutement pourrait affecter les opérations locales ou mondiales, le service client, l’innovation, l’engagement, la différenciation et finalement la culture d’une organisation. Chaque semaine, je rencontre des recruteurs, des chefs d’entreprise et ou des managers qui en mesurent les incidences.
Partant de ces constats de risques évidents, l’élévation au niveau stratégique de la fonction recrutement n’est plus une prophétie. Elle est une réalité. Pourtant, l’attraction et la fidélisation des meilleurs talents souffrent historiquement d’une position de simple fournisseur de services. Le manque d’intégration des initiatives dans un plan stratégique est l’autre point faible. Pour répondre aux enjeux d’affaires des organisations, repositionnons nous en 6 étapes.
Note : J’emploie ici le terme d’attraction en remplacement d’acquisition de talents et le terme fidélisation en remplacement de rétention de talents. Ils reflètent mieux la nature du contrat psychologique qu’une organisation passe avec un employé tout au long de leur relation.
1- L’imputabilité de la gestion des talents
Le maillon faible : Qui est responsable au plus haut niveau décisionnel de la gestion des talents ? Arrimer les enjeux d’affaires au plan stratégique de gestion des talents est essentiel et pourtant, il s’agit du premier point de défaillance.
♦ S’assurer que le CEO ou le chef d’entreprise est totalement partie prenante dans la gestion des talents pour mener à bien son plan d’affaires. Il sera le champion du projet et le premier intéresser sur la performance. Pas de création de valeur, pas de dividendes !
♦ Identifier LA personne responsable du plan stratégique et des indicateurs sur lesquels il sera mesuré par le plus haut dirigeant de l’entreprise. Cette personne doit avoir un large réseau d’influence, être un planificateur, excellent communicateur et avoir un bon pouvoir décisionnel. Pas de talents, pas de bonus !
2- Le volet Talents de la stratégie d’entreprise
Le maillon faible : Quelle est la contribution de la gestion des talents au plan stratégique d’affaires de l’organisation sur le court, moyen et long terme ? L’acquisition et la fidélisation des talents contribuent au plan stratégique mais les liens sont à mettre en évidence, logiquement et directement. L’approche « Balanced Scorecard » peut ici être d’une grande utilité.
♦ Devenir une source privilégiée de veille pour alimenter le comité de direction en renseignements. La veille sera présentée sous forme de synthèse et portera sur le marché de l’emploi, les situations économiques des concurrents et des bassins d’emploi, les rémunérations, les écoles et formations fournissant du personnel qualifié, les besoins en compétences, les changements technologiques internes et externes, les comparatifs de coûts d’opérations RH. Pas de renseignements, pas de vision.
♦ Recueillir tous les besoins en planification de la main d’œuvre, en talents et en compétences pour établir des scénarios à court, moyen et long terme. Pas de projections, pas de décision stratégique.
♦ Écrire son plan stratégique d’attraction et de fidélisation des talents sur 3 à 5 ans (priorités, attentes, indicateurs, responsables, séquences, moyens) en lien avec le plan stratégique de l’entreprise. Le déposer et le communiquer. Pas de plan, pas de coordination efficace.
♦ Former les recruteurs à socialiser, sourcer, planifier, attirer, mettre en marché, communiquer, interviewer, évaluer, intégrer, développer les talents. Les fonctions de recrutement ne sont plus dédiées aux jeunes RH. Elles requièrent le savoir-faire de professionnels plus pointus et crédibles. Ils conseillent et influencent les clients internes, les partenaires, employés et candidats. Pas de talents en recrutement, pas de changement.
3- Le diagnostic partagé des actifs
Le maillon faible : Quelles sont les ressources dont-on dispose et comment on les mesure ? Trop souvent, le recrutement se tourne vers l’externe pour combler un besoin. Et trop souvent l’évaluation des compétences en recrutement est intuitive et un acte isolé d’un candidat à un autre. Quand la mesure des compétences tout au long du cycle de vie de des employés est faite avec des données objectives, une série de données permet de prendre des décisions et des actions : plan prévisionnel de main d’œuvre, plan de recrutement, plan de formation, plan de développement, plan de relève.
♦ Établir un référentiel de compétences. Les fondations d’un système de gestion des talents repose sur une unité de mesure : Les compétences. Les profils de compétences, la description de poste, l’annonce d’emploi, la grille d’entrevue, le rapport d’évaluation, le plan de développement, les besoins de formation, le sondage 360 du manager, l’évaluation annuelle, toutes ces activités utilisent une unité de mesure. Avec un référentiel de compétences, il est possible de définir les besoins en recrutement précis et cohérents pour palier les déficits d’une équipe, ajouter de la diversité stimulant l’innovation et d’accompagner un changement culturel. Il existe plusieurs référentiels de compétences disponibles sur le marché : Architecte de carrière de Lominger, Référentiel Epsi, Référentiel de compétences SPB. Pas de référentiel, pas de mesure intégrée.
♦ Définir une politique d’évaluation des talents pour chaque catégorie d’emploi. Formaliser les processus d’évaluation et de sélection, choisir les outils d’évaluation des compétences et les faire connaître permet de clarifier les attentes et aligner les ressources. Pas de mesure, pas de progrès.
♦ Cartographier les talents et les potentiels internes. Connaître ses employés par leur compétences, leurs intérêts et leurs objectifs de carrière est un acte de management et une considération très appréciée. La cartographie permet de connaître son bassin interne et d’identifier par des portraits de groupes les enjeux de relève, les candidats internes à considérer et les renforts de talents à sourcer à l’extérieur de l’organisation. Saisir les opportunités de carrière en interne pour promouvoir les employés est mobilisant. Pas de connaissance des actifs, pas d’acquisition cohérente.
4- Le marketing RH
Le maillon faible : Quelle est la valeur d’attraction de votre organisation pour attirer les bons talents ? Les RH par tradition sont tournées vers l’individu et l’administration. Or voilà que le volet promotionnel et communicationnel deviennent des compétences critiques pour département Recrutement. Le marketing des services RH est souvent partagé avec les départements experts avec lequel il faut agir en client.
♦ Qualifier votre marque et segmenter votre plan stratégique en marché et cible. Définissez votre « Candidate Value Proposition » puis segmentez votre offre recrutement et vos candidats pour cibler chacune de vos sources de candidats. Votre plan stratégique devrait montrer des initiatives déclinées pour chaque segment. Pas de cible, pas de candidats bien sourcés.
♦ Créer des partenariats en mode projet avec les départements ou les fournisseurs communication, marketing et TI. La marque employeur, les réseaux sociaux, l’expérience candidats et employés, le marketing de l’offre de services RH, les annonces d’emploi, la présence en écoles et sur le terrain, les contenus marketing pour générer de l’engagement, la présence web, le référencement et les liens payants pointant vers votre site carrière, l’application mobile native ou le site en mode « Responsive Design » sont autant d’initiatives à piloter en se plaçant comme client. Cherchez les meilleurs alliés et fournisseurs. Pas d’alliances de qualité, pas d’expertise reconnue.
5- Le Data Recrutement
Le maillon faible : Qu’est-ce qui détermine la performance et l’adéquation des personnes recrutées dans une organisation ? Qu’est-ce qui indique que l’efficacité du recrutement est optimale ? La mesure en RH est souvent absente ou partielle. Nous serions soit-disant dans les sciences molles ! Excusez-nous. Pourtant, tout se mesure. Parler « affaires », parler gains et économies, parler ROI « Return On Investment » devient pourtant un langage déterminant pour le recruteur stratégique.
♦ Mesurer pour décider stratégiquement. Les tableaux de bord avec indicateurs de recrutement sont essentiels pour fermer la boucle du plan stratégique. Ils permettent un retour instructif sur les initiatives et les programmes. Pas de mesure, pas de gestion.
♦ Se préparer au BigData RH. Voici une tendance qu’il faut prendre au sérieux. Tout est données. les données de fréquentation provenant de votre site carrière, les données de votre ATS « Applicants Tracking System », de votre SIRH ou TMS « Talent Management System », des accidents du travail et d’absentéisme, des évaluations psychométriques de vos candidats, de revue de performance annuelle, de performance opérationnelle des départements et de l’entreprisse, de sondage 360 et de sondage d’engagement des employés sont autant de données à regrouper. Ces données permettront un traitement statistique qui donnera une nouvelle vision sur les variables expliquant le comportement de l’organisation. Les leviers d’actions seront ensuite plus évidents. Pas de données, pas d’intelligence.
♦ Communiquer sur vos données. Que ce soit au comité de direction, aux manager ou aux employés, les indicateurs et résultats d’études des données sont un atout précieux pour piloter et mesurer votre plan stratégique. En cherchant à agir sur les écarts et en démontrant les résultats obtenus, les recruteurs stratégiques deviennent plus factuels et plus influents. Plus fort encore, certaines entreprises jouent une certaine transparence pour partager certaines données qui pourraient intéresser les candidats, la communauté ou les clients. Pas de rétroaction, pas de considération.
6- La culture stratégique
Le maillon faible : Comment l’organisation incarne dans les faits, au quotidien une authentique stratégie d’attraction et de fidélisation des talents ? Les organisations prétendent souvent faire de la stratégie avec le triptyque vision, mission, stratégie. Mais rares sont celles qui développent une stratégie intégrée, mesurée et actualisée. La raison ? Principalement par manque de temps, de connaissances et de leadership pour se lancer dans une consultation et une synthèse inspirante.
♦ Former l’équipe RH (et le comité de direction ?) au développement d’une vision et d’une pensée stratégique. La lecture des modèles d’affaires, de l’environnement avec ses forces et menaces ainsi que les outils d’élaboration de stratégies sont indispensables à une équipe de direction. Pas de compétences stratégiques, pas de bonne stratégie.
♦ Donner une autorité totale à un petit groupe projet pour coordonner toutes les initiatives utiles dans un court délai. En contexte d’urgence ou de rattrapage, l’approche « Skunk Works » se révèle très utile et démontre l’agilité d’une organisation. Pas de concentration des moyens, pas d’innovation rapide !
♦ Impliquer directement les managers et les opérations dans les étapes de recrutement. Selon CEB, cité par Peter Cappelli dans HBR d’octobre 2013, les entreprises qui impliquent les managers réussissent 29% mieux dans leur recrutement. L’analyse prévisionnelle des besoins en talents, l’exploitation des programmes de références, d’intégration et de développement des nouveaux employés sont des gestes clés des gestionnaires pour donner vie à la stratégie. Pas d’implication des gestionnaires, pas de mise en mouvement.
♦ Oser faire des pilotes pour innover. Vous n’utilisez pas de Cloud ATS ? Pas de vidéo sur Vine ou Instagram pour vos annonces ? Pas d’entrevue structurée sur Skype ? Pas de « Job Realistic Preview » ? Pas de sondage candidat pour mesurer leur satisfaction ? Pas de campagne SEM ? Alors autorisez-vous quelques initiatives en lien avec un objectif de votre plan stratégique. Pas d’audace, pas d’apprentissage.
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