The Next Big Thing
Hier, je félicitais ma coiffeuse. Pas pour la coupe de printemps habillement sculptée mais pour son avenir professionnel garanti !
Elle a choisi un emploi qui ne disparaitra sûrement jamais. A moins qu’elle soit usée par une sciatique ou par des allergies. Elle trouvera toujours un emploi. Azimo le robot ne la remplacera pas, du moins pas tout de suite ! On sourit. Puis elle se reprend : « Il existe toutefois une machine pour laver les cheveux : 15 000 $« . Avec un brin d’ironie, elle souligne toute la délicatesse nécessaire pour un coiffeur pour gérer les clients. Irremplaçable ! « Comment leur dire que la nature de leurs cheveux n’est pas compatible avec leurs ambitions capillaires ?«
Plus tard dans la même matinée, je rencontrais un couple de professeurs. La sécurité de l’emploi et la passion de transmettre les ont conduit à faire des réorientations de carrière après leur début trentaine. Désabusés, ils lancent « Avec les éléves, il faut réinventer toute notre pédagogie« . Je ne doute pas que le métier de pédagogue continuera d’exister. En revanche, il va voir disparaître les tâches répétitives de présentation des contenus et des connaissances. L’Internet mobile, les connaissances capturées en séquences vidéo, la marchandisation des meilleurs cours en ligne vont redéfinir tout l’écosystème éducatif. J’entends par là, tout ce qui est transmission d’un savoir, de la vie intra-utérine jusqu’à la stimulation cognitive des aînés. On se quitte sur un constat d’angoisse. Que va t-on devenir ? Nous et les autres : professeurs, adjointes administratives, chirurgiens, avocats, conducteurs de taxi, ouvrier, mécaniciens, psychologues, caissiers.
Ce qui est frappant, c’est combien chacun de nous vit et pressent les changements d’usages induits par l’Internet mobile et les algorithmes. Toutes ces technologies nous plongent dans le XXI siècle. On en rêvait. On va devoir vivre avec !
Comme le souligne The Economist dans un article de Janvier 2014, 47% des emplois d’aujourd’hui pourraient être automatisés d’ici 10 à 20 ans selon une étude d’Oxford University. On va y réfléchir.
Quelles innovations disruptives vous menacent ?
1- Robots
Azimo, le robot de Honda. Il préfigure parfaitement le changement de marché sur un très long terme. La voiture devient une carcasse embarquant des logiciels. Le marché du pays du soleil levant se positionne sur l’aide aux personnes âgées et sur les soins aux personnes dépendantes. Ne ressentez-vous pas de la fascination en voyant Azimo interagir avec les présentateurs télé dans cette vidéo d’avril 2014 ?
Voiture autonome. Géolocalisée, auto-guidée, la voiture de demain assure moins d’accident et une plus grande fluidité du trafic. Normal, ces voitures connaissent votre parcours dans 90% du temps : vos trajets quotidiens. Elles peuvent donc collectivement ajuster les parcours en fonction de l’état des routes et du contexte. Finies les distractions et les erreurs humaines impliquées dans plus de 80% des accidents de conduite. Le secteur des assurances et les métiers de l’automobile vont changer profondément.
2- Expérience immersive et réalité augmentée
Occulus Rift. Les lunettes d’expérience immersive ont fait sensation à l’événement SXSW. Facebook a racheté la petite start-up 2 milliards de dollars. Elles nous plongent totalement dans la réalité. Les applications sont immenses. Le jeu, la télévision, le cinéma, la formation et l’éducation, les voyages, l’immobilier, le commerce de détail, la pornographie. Les entrevues et la visioconférence en 3D c’est pour demain.
Google Glass. En vente le 15 avril 2014, les lunettes de Google ajoutent de l’information contextuelle sur ce que vous voyez. La visite touristique d’une ville, le shopping, les déplacements, les rencontres professionnelles seront agrémentées de données en temps réels. Vos données numériques et votre rapport au monde environnant va changer.
3- Big Data et Internet des objects
Objets connectés et les capteurs. Les Wearables Devices (montre connectée, vêtement branché) et les auxiliaires cognitifs (oreillettes, capteurs neuronaux) fournissent avec nos transactions et nos comportements numériques une immense quantité de données. Les marques, les infrastructures, les villes et les personnes pourront s’informer et informer en tenant compte du contexte et de la personne.
Algorithmes. Les économies, les entreprises, les connaissances, les sciences sont aujourd’hui numérisées et menées par les données quantitatives, qualitatives et sémantiques. Beaucoup d’activités se modélisent et les software captent le savoir-faire.
4- Intelligence artificielle
IBM Watson, le cognitive computing. Le supercalculateur diagnostique les maladies avec une redoutable précision. Les métiers fondés sur une grande masse d’informations et sur des recommandations pourront être facilités, transformés voire remplacés. La dernière application trouvée à Watson est le shopping ! Dans un partenariat avec le compagnie Fluid.Inc, IBM propose des solutions intelligentes pour faire vos courses en tenant compte de vos habitudes d’achat et des paramètres de géolocalisation.
Les impacts à anticiper
Sur les emplois :
Substitution des emplois manuels en contexte répétitif et environnement constant par des robots et des logiciels.
Les emplois liés à l’information du public (télémarketing, agent d’accueil, réceptionnistes, guide touristiques) vont disparaître.
Modélisation et algorithmisation des métiers substituables même sur des tâches plus complexes qu’on ne l’imagine (taxi, conducteur d’équipement, conseiller financier, agent immobilier, adjointe administrative, etc.).
Les technologies apprenantes peuvent assimiler plus vite une grande quantité de données et décident plus vite et mieux que nous (sur la base de critères stables et pertinent pour l’équation).
Les individus deviennent une présence numérique, une somme de données dynamiques, cartographiées et documentées pouvant parler en notre nom, à notre service et nous dévoiler en même temps.
Sur les rapports de forces économiques :
Une nouvelle dépendance économique envers les propriétaires des technologies de substitution et des détenteurs des informations et de l’intelligence s’installe.
Notre monde devient une collection d’objets communiquant et de systèmes d’exploitation de données dont la valeur de l’usage détermine notre impact et notre pouvoir économique.
Sur les organisations et la stratégie :
Les dirigeants doivent mettre à jour leur modèle d’affaires numérique pour ne pas perdre davantage compétitif et faire perdre de valeur à leur entreprise.
Les organisations sont maintenant des assemblages complexes de logiciels et de talents.
Les actifs informationnels sont le nouveau carburant de la croissance. Veillez à produire et exploiter vos données.
Il y a urgence et nécessité de préparer les organisations et les employés à innover, à concevoir et à collaborer pour ne plus se situer dans la zone du travail substituable ou algotithmique. Privilégiez les tâches heuristiques !
L’automatisation des services et des tâches manuelles est une occasion pour augmenter la productivité et la compétitivité.
Les organisations retenant des informations et des renseignements utiles aux publics ou à certains clients seront déclassées car elles en participeront pas aux échanges informationnels.
D’autres technologies vont aussi profondément perturber les règles de nos économies comme le stockage des énergies, l’imprimante 3D, les hologrammes ou les thérapies géniques. Mais ces technologies n’auront pas un impact direct sur tous les emplois. L’article de McKinsey de Juin 2013 souligne justement ce qui va changer. Les innovations concomitantes à différents niveaux vont rebattre les cartes en profondeur et créer des conséquences inattendues, comme des fractures pendant une séisme. Le big bang en quelque sorte !
5 effets des innovations de ruptures à surveiller
a- Substitution des tâches répétitives en environnement constant.
b- Désintermédiation des chaines de valeur : Pour acheter vos billets d’avion, nous ne passons presque plus par l’agence de voyage du coin. Pour acheter un livre, nous n’allons plus beaucoup chez les libraires. Les places de marché rapprochent directement les offreurs des acheteurs. Fini les distributeurs et les revendeurs. La désintermédiation court-circuite les réseaux. Les producteurs agricoles pourraient en bénéficier pour écouler leur produit directement ! Les consommateurs seraient gagnants aussi. L’imprimante 3D annonce la rupture des chaines d’approvisionnement et de production. Il sera possible de produire directement chez soi avec des données ouvertes des objets et sous-ensembles en composants synthétiques.
c- Horizontalité des organisations : L’autonomie croissante des salariés et le besoin d’agilité des organisations les aplatissent. Les employés et de plus en plus les travailleurs autonomes, concours à la vie des organisations avec leur capacité d’analyse, prendre des décisions d’architecture et de conception et collabore sur des tâches non répétitives.
d- Transparence de l’information et décision en temps réel. Les entreprises et les institutions n’offrant pas de données ouvertes et fraîches seront dépassées car les clients et les citoyens exigent la transparence et l’instantanéité. Ils apprécient la crédibilité des informations disponibles et doutent de la réputation si l’organisation cache sans sécuriser.
e- Création de contenus et de savoirs : Pour ne dépendre d’aucun système d’exploitation et d’aucune solution intelligente de substitution, il est vital de se situer en amont de l’usage des informations : sciences, créativité, innovation, socialisation. Cela aide à produire des systèmes puissants et disruptifs, à offrir des biens et services uniques, à créer du sens, à susciter de l’émotion et enfin, à nouer des relations.
Quelques sources à consulter
Certes, début avril, Toyota annonçait le mouvement inverse. Toyota décide de remettre des ouvriers hautement qualifiés sur les chaines d’assemblage. Les gains en productivité et l’amélioration continue sont plus grands quand ils sont mués par l’Homme.
Comme le souligne Emmanuel Davidenkoff dans son livre « Tsunami numérique. Éducation, tout va changer! Etes-vous prêts ? » chez Stock, les machines défient les processus intellectuels. Même l’enseignement, lieu sacré de la connaissance est touché !
Pierre Bellanger, le fondateur de Skyrock, prône la souveraineté numérique dans un ouvrage brillant et radical. Si on ne fait rien au niveau des États, les pompes aspirantes de nos données quotidiennes et intimes seront le pain et le beurre de puissantes entreprises transnationales. Je vous invite chaudement à lire son livre pour prendre conscience du monde qui se construit sous nos yeux.
Ma coiffeuse peut dormir tranquille. Je ne changerai pas pour un robot. Mes voisins enseignants devront revoir leur métier pour ne pas être remplacés par Youtube, un MOOC, TedX ou une plateforme algorithmique.
Pour aller plus loin
Comments