Une révolution technologique n’arrive jamais seule. Une secousse en annonce une plus grande. Alors que les données de masse nous permettent de voir l’invisible et que l’intelligence artificielle augmente nos capacités, la technologie Blockchain permet la transparence de toutes formes de transactions. Et les RH sont concernées !
Voici un aperçu de la prochaine vague de disruption.
Une transparence sans précédent
La technologie Blockchain est le grand livre comptable de toutes les transactions. Ce protocole de confiance est dit inviolable et infalsifiable. Il offre des transactions instantanées à tous ceux qui entre dans la « Chain ». Cette technologie sera à la confiance, ce que l’Internet fut pour l’accès à l’information.
A chaque fois qu’une écriture, une authentification et une transaction est engagée, la technologie Blockchain sera utilisable. Ses utilisations sont innombrables.
La technologie Blockchain est distribuée (plusieurs noeuds du réseaux se partagent l’information sans jamais la détenir au complet). Elle est publique (l’historique des transactions peut être lu). Elle est encryptée (sécurisée par plusieurs clés de cryptages).
Ce standard de certification d’information ne se limitera pas aux transactions financières et immobilières, aux actes juridiques, aux objets d’arts ou aux lettres de change pour les importations et exportations. Le secteur de la santé y pense pour agréger le fameux dossier électronique du patient. Toute l’information du patient est sécurisée et authentifiée pour les professionnels qui ont acquis les droits de lecture et d’écritures.
Pour Gartner, en 2022, la valeur de la technologie Blockchain, en Finance et Assurance principalement, s’élèvera à plus de 10 milliards de dollars.
La nouvelle monnaie des RH
Faisons un peu de fiction pour mieux se figurer comment le Blockchain pourrait créer une nouvelle catégorie de fournisseurs, d’employeurs et d’employés:
Authentifier vos interlocuteurs (recruteurs, candidats).
Vérifier les antécédents (casier judiciaire, références, multi-contrats).
Certifier les expériences et les compétences.
Délivrer des certificats et des diplômes.
Agréger les données du profil personnel et professionnel.
Obtenir un accès partiel au dossier médical (ou à des objets connectés de santé !).
Obtenir des données de performance de l’employé (ventes, satisfaction clients, plaintes, accomplissements, etc.). Voir ici la start-up Humanize qui commercialise un pass de sécurité pour faire des mesures en temps réel d’employés.
Ce qui est valable à propos des personnes (qualification, talents, portfolio d’expérience) pourrait l’être aussi à propos des employeurs (historique d’employeur, santé financière, etc.).
Humanize_Connected Object for Employee_Engagement_Blog_FutursTalents
Ce qui pourrait se passer, à l’image du secteur de la santé, c’est de favoriser l’adoption du standard encrypté avec des incitatifs. Montrer patte blanche sera le sésame pour un emploi ou une meilleure rémunération. Qui pourrait dire non ?
C’est tout le secteur de l’éducation et de la formation continue qui est concerné. Des traditionnelles Écoles et Universités jusqu’au MOOC et aux micro-diplômes chercheront à produire des badges ou des timbres certifiés avec la technologie Blockchain. Il est possible de partagez vos badges authentifiés de qualification et de compétences pour vous démarquer auprès des employeurs et recruteurs de choix.
Le « TalentCoin » n’existe pas encore. Mais on le voit se profiler avec l’initiative de Badges proposée par Acclaim qui s’inspire de l’approche Open Badge de Mozilla pour certifier des compétences ou des accomplissements professionnels.
Acclaim_badges_Blog FutursTalents
Bien sûr la technologie Blockchain n’est pas rétroactive. Elle ne prend de la valeur qu’avec le temps d’enregistrement en temps réel. Vos erreurs du passé ne seront pas toutes captées par le digital mais certains fichiers déjà constitués pourraient livrer beaucoup d’information à un acteur émergent de la technologie Blockchain.
Le séisme Blockchain en 4 points
1- Désintermédiation
Demain, le profil enregistré et authentifié d’un candidat pourrait être lu, cherché, évalué et écrit sans passer par des intermédiaires traditionnels (agence de recrutement, agence de vérification des antécédents, avocats, etc.). Après avoir agrégé le profil professionnel de plus de 400 millions de travailleur, LinkedIn pourrait être « désintermédié » à son tour par un standard et de nouveaux régulateurs dont il ne détiendrait plus la clé. Il ne serait qu’un contenant. La technologie Blockchain pourrait transformer beaucoup d’acteurs de l’écosystème RH et en faire naître des nouveaux.
2- Nouveaux rapports de forces
L’omniscience de la technologie Blockchain va faire émerger de nouveaux moteurs de recherches, de nouvelles données, de nouveaux acteurs et surtout, de nouveaux (riches) détenteurs d’information qualifiée. Comme pour le Bitcoin et les autres crypto-monnaies, celui qui introduit habilement le standard et qui capitalise l’information remporte la mise. Qui demain aura entre ses mains la valeur de l’information ? Les employés ? Non. Les RH utilisateurs ? Non. Les émetteurs d’information certifiées ? Sûrement s’ils sont à l’origine d’un standard. Les propriétaires de la technologie ? Absolument.
3- Transparence
Au niveau des données internes, les systémes RH pourraient utiliser la technologie Blockchain pour agréger les données autour de l’identifiant unique. Véritable enjeux de lecture et de traitement de l’information pour les RH, l’identifiant unique pourrait favoriser l’analyse Big Data RH.
Au niveau des données du marché de l’emploi, on peut penser à une toute aussi grande révolution, pilotée cette fois par l’Etat. Là où l’Internet à échouer à rendre totalement transparent le marché de l’emploi, la technologie Blockchain pourrait capter toutes les transactions économiques et légales des corporations pour fournir automatiquement l’information aux gouvernements pour des motifs fiscaux et d’intelligence économique.
Si toutes les transactions sont codifiées, alors on peut imaginer que les administrations voudront avoir de l’information précise sur les emplois créés ou supprimés, les compétences requises, les revenus et taxes à payer, les dépenses de formation attachés à chaque emploi, etc. Finis les formulaires et rapports bureaucratiques !
Jointes aux données des demandeurs d’emploi ou profils individuels, on peut anticiper une lecture instantanée des données du chômage, des besoins en compétences et des politiques et aides à l’emploi géolocalisées, sectorisées ou même personnalisées.
4- Individualisation
Avec cette capacité d’enregistrement, l’individu peut construire de façon plus modulaire son identité, son parcours d’apprentissage et de formation continue. Les enregistrements donnent du poids à chaque unité d’expérience, d’apprentissage, de compétences. Le « Talentcoin », monnaie du talent, pourrait rebattre les cartes pour digitaliser le capital intellectuel individuel et le certifier en continu.
A l’ère des nano-diplômes, du microlearning et des MOOC, les employés pourraient demander à leurs employeurs et à leurs institutions de formation de créer des unités « TalentCoin » qu’ils cumuleront. Ce n’est plus de la valeur interne d’un employé mais bien de la valeur universelle d’apprentissage et de talents dont on parle.
Des interrogations éthiques
1- Menace sur la vie privée
Sous prétexte de livrer une lutte contre la fraude et d’accroître la confiance entre les parties, l’enregistrement d’information est automatique. Le consentement éclairé et le libre choix devront être offerts, même si la pression économique sera forte pour accepter par défaut.
2- Menace sur le droit à l’oubli
Les erreurs de jeunesse, les échecs et les expériences atypiques seront éternels. Si c’est inscrit, c’est indélébile. Le seul espoir face à une mémoire infinie est l’obsolescence rapide de la valeur de l’information dans un nouveau contexte.
3- Menaces tentaculaires
Où seront les limites de l’agrégation des données et leur traitement ? Que se passera t-il si demain votre Fitbit et votre profil Facebook partagent vos dix dernières années d’interaction ? Les régulateurs et le législateur ont beaucoup de travail devant eux.
Big Data + Intelligence Artificielle + Blockchain
La confiance n’a pas de prix
Voici le cocktail détonnant d’une nouvelle ère cognitive, d’une nouvelle économie et de nouvelles compétences.
Le Big Data est votre réservoir et votre capital informationnel traité. Le Machine Learning, branche de l’intelligence artificielle, est votre usine à produire du sens à partir des données (factorisation, prédiction, optimisation). Quant à la technologie blockchain, elle certifie l’authenticité et la sécurité des données. A elle seule, elle augmente la valeur des données et des transactions en y ajoutant la confiance.
Une adoption rapide
Si le temps pour adopter de nouvelles technologies ne cesse de se réduire, on peut toutefois penser que la technologie blockchain sera ralentie par ses enjeux éthiques complexes pour les employés et les employeurs. Mais à l’heure où les voitures deviennent autonomes sur nos routes, les fameuses autoroutes de l’information pourraient prendre une fulgurante accélération.
La technologie Blockchain est un autre talent du futur !
Jean-Baptiste Audrerie est psychologue organisationnel, executive advisor pour IBM Collaboration & Talent Management au Canada et auteur de ce blogue. Il s’intéresse à la transformation digitale et cognitive des RH sous toutes ses formes et plus particulièrement en acquisition et développement des talents et en RH Analytics.
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